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1 février 2008

3- Les évènements de 1988, le "8888 uprising"

Ce dernier caprice de despote met le feu aux poudres et catalyse la révolte du peuple. Elle touche d’abord les étudiants, puis entraîne professeurs, moines, fonctionnaires, paysans, médecins, intellectuels en quelques semaines. Incidents et répressions s’enchaînent et font des centaines de morts. L’armée est alors sous la direction de Sein Lwin, qui sera bientôt nommé le « boucher de Rangoon ».

            

sein_Lwin

En Mars, Aung San Suu Kyi revient en Birmanie après 20 ans d’absence pour se rendre au chevet de sa mère.  Le 15, des milliers d'étudiants défilent à Rangoon arborant un drapeau orné du paon combattant. Le cortège est dissout à la mitrailleuse. Le 18 plusieurs milliers d'étudiants sont emprisonnés. Certains survivants y sont encore à ce jour.

               

manifs__tudiantes_1988
         

Mais la révolte est profonde et le mouvement de protestation, mieux organisé, renait en juin entraînant de nouveaux massacres. Il s’est étendu et continue inexorablement de s’amplifier.  Devant la fureur du peuple, les réponses  de Ne Win  claquent : la loi martiale est décrétée le 21 juin et les militaires tirent à vue. La loi martiale durera 4 ans.

Le peuple outragé  persévère, et en dépit des morts et de la terreur,  les manifestations continuent.  Alors un congrès extraordinaire du BSPP admet la faillite du pays. Un Ne Win usé par l’âge et les excès démissionne le 23 juillet. Ce n’est ni une victoire du peuple,  ni une ouverture de la junte : il est remplacé par son bras droit… Sein Lwin, « le boucher de Rangoon ».

Le régime de Ne Win était certes insoutenable, mais c’est à partir de 1988 que commence le véritable martyr du peuple birman. Le 8 août marque le début d'une grève générale. 500 000 personnes  défient à Rangoon l'interdit de manifester. Ils sont des millions à marcher dans le pays. Tous  exigent la fin du régime et l’instauration de la démocratie. L’armée a préparé sa réponse, elle encercle les manifestants et tire à vue. C’est un massacre effroyable : de 3.000 à 10.000 personnes sont froidement assassinées, sans compter ceux ou celles qui périssent durant leur fuite à travers le pays.  Cet épisode restera connu  sous le nom de "8888 uprising".  Malheureusement, les massacres ne s’arrêteront pas ce jour là, et les arrestations continueront par milliers.


un documentaire sur cette période

Le gouvernement reconnaît 112 morts, et le 12 Août, Sein Lwin démissionne. Il est remplacé par Maung Maung. Mais une nouvelle tête et de vagues mensonges  ne peuvent plus  masquer l’effroyable réalité qu’observe un peuple martyr. 

Grèves, incidents et répressions reprennent. Démocratie, démocratie, démocratie ! 10 jours après le massacre, ils sont des centaines de milliers à Monywa et à Mandalay, et le 22, alors que commence une grève générale, il y a entre 100 000 et 300 000 manifestants à Rangoon, entre 700 000 et 800 000 dans les rues de Mandalay et maintenant les moines sont en première ligne des cortèges.

             

      

stop_au_massacre

Entre le peuple birman et Aung San Suu Kyi, une profonde histoire d’amour est sur le point de commencer. Le 25 août 1988, celle dont  le nom signifie « brillante collection d’étranges victoires »  séduit un demi-million de Birmans venus l'écouter lors de son premier discours public près de la pagode ShweDagon. Sa filiation, son discours empreint de la philosophie de Mahatma Gandhi, son charme, son intelligence, son éthique, sa détermination et son courage la propulsent instantanément à la tête du combat des birmans pour leur liberté. Aung San Suu Kyi renoncera au nom de cet amour à sa liberté, à ses enfants, à sa famille.

discours_ASSK_25_08_88

Le 18 septembre 1988, un nouveau coup d’état militaire met le général Saw Maung au pouvoir. La junte, constituée de 19 membres institue le S.L.O.R.C. (Comité d’Etat pour la restauration de la loi et de l’ordre) et impose l’état de siège. Elle réaffirme sa position par l’effroyable massacre d’un millier de manifestants, pour l'essentiel des écoliers. «Ce qui s'est passé est tellement honteux que je n'ai pas de mots pour le qualifier», s'émeut un ambassadeur occidental en poste à Rangoon.

Promesses, répressions, arrestations,  et condamnations  avancent ensemble. Au delà d'une indicible barbarie, la junte  devient  manipulatrice. Le nouveau pouvoir  légitimise sa dictature par le chaos,  l’état d’urgence, et la nécessité d’y remédier. Il promet paradoxalement des élections libres et pluralistes en 1990,  autorise la création de partis politiques et se dit disposé à quitter le pouvoir après les élections.

Les manifestations s’apaisent, l’opposition s’organise. Aung San Suu Kyi participe à la création de la NLD (National League for Democracy), coalition d’opposition,  et en devient la secrétaire générale le 27 septembre.

L’autorisation des partis politiques permet d’identifier tous les meneurs et adversaires du régime. Au cours de l’année 1989, des milliers d’arrestations ont lieu. La junte multiplie les tracasseries à l’égard d’Aung San Suu Kyi. En avril, alors qu'elle se trouve dans le bassin de l'Irrawaddy, on lui interdit tout déplacement à pied ou en voiture. Elle mène donc sa campagne à bicyclette, sous l'œil des militaires qui n'osent l'arrêter «n'ayant reçu aucun ordre à ce sujet».

Le 12 mai, la Birmanie change de nom et devient le « pays merveilleux » (Myanmar). Le 4 juillet, le célèbre journaliste U Win Tin, mentor politique de Aung San Suu Kyi est arrêté. Il est à ce jour encore emprisonné. U Kawira, un moine de Mandalay qui a été un des leaders des manifestations de 1988 est accusé de trahison et condamné à mort.

Après avoir tenu des dizaines de meetings publics, Aung San Suu Kyi est arrêtée le 20 juillet, accusée de porter atteinte à la sûreté de l’état. Les militaires lui proposent de quitter la Birmanie, ou d’être emprisonnée. Elle choisit de rester, et sera assignée à résidence pour 3 ans dans sa villa, 54 rue de l’Université, à Rangoon. Cela sera son premier emprisonnement, qui durera non pas 3 mais 6 années.

«Le pays s'est refermé comme une huître sur sa perle», écrivent Jean-Claude Buhrer et Claude Levenson dans «Aung San Suu Kyi, demain la Birmanie» (Ed. Picquier). 

La junte prépare les élections. Tous les coups sont permis. 

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