Aung San Suu Kyi, 30 Janvier 2008 :

"Espérons le meilleur, mais redoutons le pire"

RANGOON (Reuters) - La chef de file de l'opposition birmane Aung San Suu Kyi déplore l'absence de négociations sur les réformes politiques avec la junte militaire, apprend-on dans son entourage.

A l'issue d'une rencontre, autorisée par le pouvoir, entre l'opposante et des membres de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le porte-parole du parti, Nyan Win, a indiqué que l'opposante avait peu d'espoir de voir la pression internationale contre les généraux porter ses fruits.

"Espérons le meilleur mais attendons-nous au pire", a prévenu Suu Kyi, citée par le porte-parole, qui a ajouté que l'opposante craignait que cette rencontre d'une heure et demie, immédiatement suivie d'un entretien avec un représentant de la junte, ne crée de "faux espoirs".

Suu Kyi a transmis des détails de sa rencontre avec Aung Kyi, le représentant nommé par le gouvernement pour servir de médiateur avec l'opposition.

Selon Nyan Win, elle a notamment plaidé pour que les pourparlers s'étendent aux représentants des nombreux groupes ethniques du Myanmar, qui luttent depuis une cinquantaine d'années pour obtenir l'autonomie, voire l'indépendance.

"Elle n'est pas satisfaite de ses rencontres avec Aung Kyi et déplore l'absence de calendrier des négociations", a ajouté Nyan Win, qui précise qu'Aung San Suu Kyi craint de ne recevoir que des mensonges de la part de ses interlocuteurs du gouvernement.

ARRESTATIONS

Signe du refus de la junte de faire des compromis, le numéro deux de la Ligne nationale pour la démocratie, Tin Oo, n'a pu assister à la réunion. Lui aussi se trouve assigné à résidence, depuis mai 2003.

Depuis la violente répression du mouvement de contestation de septembre, des pressions internationales ont poussé les généraux à tenir des pourparlers avec Aung San Suu Kyi en vue d'un retour vers un pouvoir civil.

La junte a rencontré à deux reprises l'envoyé spécial des Nations unies Ibrahim Gambari, sans toutefois s'engager à poursuivre des négociations formelles. Selon des défenseurs des droits de l'homme, les arrestations de dissidents et de militants pour la démocratie se poursuivent.

Un blogueur politique, Nay Phone Latt, a été arrêté mardi dans un cybercafé de Rangoon, a indiqué à Reuters un journaliste local, sous couvert de l'anonymat.

Gambari, qui souhaitait retourner au Myanmar avant la fin de l'année 2007, attend toujours que lui soit attribué un visa.

Lauréate du prix Nobel de la paix en 1991, Aung San Suu Kyi a passé plus de douze des dix-huit dernières années en prison ou en résidence surveillée.

En 1990, la LND avait remporté sous sa conduite des élections législatives dont la junte militaire n'a jamais reconnu les résultats.

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Source : Le Monde, 30 Janvier 2008
Version française Grégory Schwartz et Henri-Pierre André