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15 septembre 2008

La Birmanie prise entre rêves et cauchemars

Le Flambeau, 14 Septembre, par Jean-Philippe Demont-Pierot, auteur du livre Réchauffement Climatique

Le crâne en bouillie, les yeux pendant des orbites, égorgée, poignardée, après avoir été violée. C’est ainsi que ses parents l’ont retrouvée, après trois jours de recherche. Elle s’appelait Nhkum Hkawn Din, elle avait quinze ans. Elle aimait aller à l’école en rêvant à une vie meilleure. Son tort ? Être passée à proximité d’un barrage de l’armée pour aller porter du riz à son frère. Cela s’est passé en juillet dernier dans la province de Kachin. En Birmanie…

En ce mois anniversaire de la « révolution safran », quoi de plus symbolique que ce crime, ce que les dictatures disent au monde, l’arrogance et le mépris face à l’impuissance ? Un an déjà et le silence médiatique laisse à nouveau planer son voile sur un peuple à l’abandon. Un an déjà, rappelons les faits.

Le 5 septembre 2007, plus de six cents moines de la ville de Pakokku située dans le centre de la Birmanie décident d’aller manifester contre une augmentation des prix des carburants. Ce courage, car il leur en fallait, sera payé en retour par une violente répression. Et ce fut l’élément déclenchant un vaste mouvement de protestation visant à la baisse du prix de l’essence mais aussi, revendication politique de tout un peuple, à la libération immédiate d’Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix et principale figure de l’opposition démocratique.

Le 9 septembre, les manifestations saisirent Rangoon puis gagnèrent les autres villes du pays jusqu’en octobre et chacun garde en mémoire ces images télévisuelles de ces foules menées par les moines, face aux militaires qui n’hésitèrent pas à tirer, ceux qui tombèrent, leurs robes ocre et safran prenant alors la couleur pourpre du sang.

Cette explosion populaire se termina dans le silence étourdissant des protestations internationales, des résolutions et des déclarations. Celles de nos dirigeants français et européens, celle aussi du président de Total, premier investisseur du pays, expliquant que le retrait de la compagnie pétrolière serait nocive au peuple birman, eu égard à ses bienfaits dans ce pays depuis plus de dix ans. La répression fut terrible. Les morts mais aussi les arrestations, les razzias dans les monastères, chose inouïe quand on sait le respect face au sacré dans l’âme bouddhiste.

Faut-il aujourd’hui faire un bilan de ces quelques semaines qui ébranlèrent la Birmanie ? Il y a un aspect comptable. Le nombre de morts, à peu près 200, les moines et manifestants arrêtés, plus de 6000. Il faut rappeler ces chiffres qui portent en eux cette cohorte de malheurs pour les proches et les familles décimées.

Sur le plan politique c’est autre chose. Si le peuple birman se souviendra de ces semaines terribles — mais il y en eut d’autres dans l’histoire de ce pays —, si les mouvements de protestations dans les capitales occidentales et ailleurs ont dû laisser quelques traces dans les consciences de ceux qui y participèrent, rien, absolument rien n’est venu concrètement alléger le fardeau de ce régime militaire, malgré les visites régulières des émissaires des Nations Unies. Et Aung San Suu Kyi se trouve toujours assignée à résidence, sans autre contact que celui, toléré, de son avocat.

Disons quelques mots de ces visites onusiennes. Depuis 1990, il y en eut 37. Le dernier envoyé spécial, Ibrahim Gambari, souhaitant quelques assouplissements, a échoué dans toutes ses tentatives de négociation avec la junte, au point que le 24 août dernier Aung San Suu Kyi a refusé de le recevoir, montrant par ce geste l’évidence de l’échec de la communauté internationale à composer avec les généraux. Il faut tout de même préciser que ce haut fonctionnaire de l’ONU a passé la plupart de son temps à rencontrer, par exemple, les représentants de la fédération des chambres de commerce, dont le bras armé, une milice tout à fait opérationnelle, a participé à la répression des manifestations de l’automne dernier, ainsi que l’UDSA, d’autres paramilitaires de la junte, les organisateurs de la tentative d’assassinat d’Aung San Suu Kyi en mai 2003 qui avait fait douze morts parmi les militants qui l’accompagnaient. Il est vrai que ces gens-là sont plus disponibles…

Évoquons aussi le passage du cyclone Nargis en mai dernier. Rien ne fut dans cette année terrible épargné à ce peuple, comme si les éléments, par ce pied de nez gigantesque, avaient voulu donné une nouvelle chance à la communauté internationale de prendre à cœur d’imposer des solutions. Mais non, et ce furent de nouvelles additions, les morts, plus de 140.000, les disparus, les destructions, le refus des généraux que les aides financières ne passent pas par leurs comptes en banque, et de Total de prêter ses hélicoptères ! Cinq mois après la catastrophe, un million de birmans, en grande partie des Karens, n’ont toujours pas reçu d’aides et demeurent à l’abandon.

Alors que faire ? Le désespoir n’existe pas. Il n’y a que des hommes désespérés et il est vrai que nous le sommes tous un peu face à cette situation. Formellement des solutions existent mais seule la volonté de les mettre en œuvre fait défaut. Dès lors cela ne sert à rien de les évoquer. Faisons-le quand même.

      
-    Imposer un véritable embargo ciblé visant à la fois le commerce d’armes destinées à la Birmanie ainsi que les intérêts économiques des dirigeants du pays et plus précisément de l’armée birmane, ce qui constituera une gêne pour ceux qui apportent leur appui financier et économique à la junte.

Ces solutions sont donc possibles mais la vraie question concerne les moyens pour les mettre en œuvre :

-     Appliquons des règles de bon sens. Les citoyens que nous sommes ont encore un droit, celui de voter, par exemple, pour des hommes politiques qui obligeront Total à se retirer par la loi en interdisant tout investissement financier et industriel dans ce type de pays.

-    Usons concrètement de notre seul pouvoir, lié à notre libre exercice de la solidarité, celui d’aider les victimes et les refugiés birmans qui ont un seul souhait : reprendre le combat.

-    Gardons un haut niveau de vigilance et continuons à nous tenir informés, manifestons régulièrement notre désapprobation face à l’impuissance des instances internationales.

-    Poussons la Chine à retirer son soutien à la junte. Cette nation très sensible à sa zone d’influence en Asie, peu regardante sur la nature des régimes qu’elle soutient, a montré qu’elle était capable de précipiter leur chute selon les principes de la politique des réalités.

-    Suscitons au sein même de l’armée birmane des mouvements d’inspiration démocratique : d’autres pays qui supportaient des régimes militaires de ce type ont vu de jeunes officiers, sensibles à leur avenir et prenant en compte l’évolution des mentalités, retourner leurs armes contre leurs supérieurs et ouvrir leurs pays à un avenir démocratique.

-    Obligeons Total à se retirer du pays : depuis dix ans, c’est le soutien le plus solide à la junte avec le quasi milliard de dollars versé chaque année aux militaires et il faut mettre cette somme en proportion avec le budget annuel de l’armée birmane, de l’ordre de 700 millions de dollars. Un retrait de Total avec arrêt de l’extraction de gaz signifiera l’effondrement financier de la junte. L’argument de Total comme quoi une autre compagnie prendrait immédiatement le relais n’est pas recevable car rares sont celles dans le marché de l’énergie ayant une compétence technique suffisante et la Thaïlande, à qui Total vend ce gaz, pourrait très bien supporter quelques temps l’arrêt des livraisons.

-    Poursuivre immédiatement les généraux pour crimes contre l’humanité devant une juridiction internationale : il y a maintenant des précédents montrant qu’il n’existe aucun vrai sanctuaire pouvant à vie protéger les chefs d’Etat criminels.

A ce titre et en guise de conclusion : 

Opération un Livre pour Vivre : Nous avons fait un rêve. Permettre par la vente du roman Réchauffement Climatique de financer une véritable opération de solidarité avec les victimes de la junte et de l’ouragan Nargis. Mais si cet engagement a rencontré de vifs mouvements de sympathie, il y a encore du travail, beaucoup de travail pour vendre les 5000 exemplaires destinés à collecter les 35.000 euros que nous aimerions remettre à la clinique de Cynthia Maung. Combien de moyens supplémentaires, de vies sauvés, de réfugiés remis sur pied et d’expéditions médicales dans les forêts birmanes, cette  somme pourrait financer ! Faisons encore ce rêve, disons qu’il est possible. Si chaque lecteur de cet article faisait ce geste simple de cliquer sur www.kiroed.com pour commander en ligne (20,50 euros) le roman, le recevoir (sous 48 heures) chez lui, le lire et faire jouer le bouche à oreille, alors là nous aurions gagné cette bataille et nous aurions par ce petit effort répondu à cette question : que pouvons-nous faire ?

Jean-Philippe Demont-Pierot 

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